Florent Bonnefoy : ” Je quitte un club que j’aime profondément”
Il était arrivé au Rugby Club Vannes, au cœur de l’été 2017, alors que le club venait tout juste de terminer sa première saison en Pro D2, obtenant son maintien de haute lutte.
Florent Bonnefoy était alors cadre technique en Ile-de-France, avec déjà de riches expériences vécues au Racing, au Stade Français et au PUC. Entraînant dans toutes les catégories possibles : jeunes, seniors, masculins et féminines.
Après six années passées sur les bords du Golfe du Morbihan, Florent Bonnefoy quitte le RCV après avoir grandement structuré et développé son centre de formation.
Entretien bilan avec le principal intéressé.
Florent, quel regard portais-tu sur le Rugby Club Vannes avant ton arrivée en 2017 ?
Je connaissais déjà le club de Vannes pour les avoir affrontés en tant que joueur en Reichel avec le Racing puis en Fédérale 2 avec Domont. Je savais que c’était un club sérieux avec une forte culture de travail. C’était toujours enthousiasmant de venir jouer à Jo-Courtel, et de voir la horde d’Astérix et Obélix dans les tribunes.
J’ai également eu la chance de rencontrer Alain Berthe, car il avait sympathisé avec Michel Perinet, le président de mon club formateur de Vitry-sur-Seine dont je suis resté très proche. Je savais que le club faisait du bon travail sur la formation, mais que ce travail était lié, à mon sens, à un projet de Fédéral et non pas à un projet de club professionnel.
Comment était structurée la formation du club à ce moment-là ?
À mon arrivée, je me suis d’emblée engagé à fond dans le projet. J’ai voulu connaître et comprendre l’histoire du club et son environnement.
Je suis convaincu que, quoi qu’il arrive, les institutions sont toujours plus fortes que les individus. La première chose à faire était donc d’abord de comprendre cette institution.
La formation était faite de manière empirique et assez désordonnée, mais il y avait beaucoup de bonnes choses sur lesquelles s’appuyer. Par exemple, l’investissement des gens, leur volonté à s’engager auprès des jeunes, de les faire progresser. L’état d’esprit était incroyable. En revanche, cela manquait de cadre, de structure.
J’avais le sentiment qu’il n’y avait pas de ligne directrice et que chacun travaillait de son côté, et donc les meilleurs individus sortaient naturellement. Je pense notamment à Arthur Coville ou Nolan Le Garrec. C’est génial que ces deux joueurs soient issus du RCV mais je me dis qu’ailleurs ils seraient également sortis parce qu’ils étaient tout simplement au-dessus.
Il y avait donc une construction globale à mettre en place avant de construire le joueur en particulier.
Mon premier objectif était de construire cet état d’esprit global du centre de formation : Quel sens donner à l’entraînement ? Quelle exigence y mettre ? Qu’est-ce que moi, jeune joueur, je devais m’approprier pour devenir autonome et aller vers le haut-niveau ? Je me suis posé toutes ces questions.
Il a aussi fallu faire comprendre à l’ensemble des encadrants que, quand tu formes des jeunes joueurs, gagner le week-end n’était pas le premier critère. Ce n’est pas le résultat brut qui permet de dire si tu es un bon entraîneur ou non.
En résumé, il fallait accompagner et structurer l’énergie existante et construire le procédé de formation sur les moyen et long termes.
Quel bilan fais-tu après ces six années de travail au club ?
Nous sommes montés de plusieurs niveaux dans de nombreux domaines comme les méthodologies d’entraînement, le suivi du jeune joueur, l’accompagnement dans la démarche pédagogique des éducateurs. Ça n’a plus rien à voir. Aujourd’hui, nous avons un plan de succession organisé au club, il y a un fil conducteur, une vraie réflexion sur le rôle que doivent avoir tous les encadrants au service du projet collectif.
Je crois aussi que, aujourd’hui, chacun à bien conscience que la finalité est d’amener un maximum de jeunes jusqu’au centre de formation, et du centre de formation jusqu’à l’équipe professionnelle. C’est ça la priorité.
Nous avons énormément progressé sur cet aspect. J’ai le sentiment que tous les encadrants font le maximum pour porter une vision sur les moyen et long termes, ce qui n’était pas forcément le cas avant.
Quelle est ta plus belle satisfaction ?
Ma plus belle satisfaction est de croiser chacun des individus avec lesquels j’ai eu la chance de travailler, que ce soient les joueurs ou les encadrants, et de sentir que le bonjour n’est jamais forcé. Je crois que nous sommes parvenus à créer un environnement dans lequel les jeunes s’épanouissent. Et ça, selon moi, c’est la priorité quand tu cherches à accompagner un individu dans sa démarche de sportif de haut niveau.
Être le témoin de l’épanouissement des jeunes, les voir évoluer sous le maillot du RCV, c’est pour moi la chose dont je suis le plus fier.
J’ai eu la chance de rencontrer des gens formidables au club pour créer cet environnement, mais surtout la direction a compris que l’accompagnement extra-sportif était essentiel. Nous n’avons jamais lâché là -dessus. C’est essentiel parce que c’est cet accompagnement qui permet à l’individu de s’épanouir, et donc d’être bien dans ses pompes et de progresser en tant que rugbyman.
Après ce travail de structuration, tu dois être heureux de voir que de plus en plus de jeunes issus de notre centre de formation intègrent l’équipe première ?
Bien sûr que je suis fier de voir nos jeunes intégrer l’équipe première et de les voir évoluer à la Rabine. Mais j’ai aussi une grosse pensée pour tous ceux qui les ont accompagnés et qui leur ont permis d’atteindre ce haut niveau. S’ils sont sortis c’est aussi parce qu’ils avaient des mecs qui étaient là pour les faire sortir. J’ai un profond respect pour des mecs comme Yoann Besnard, Luca Rittaud, Antoine Lerouge ou Alan Courtois. Nous avons la chance de voir les 3% de mecs qui sortent, et nous sommes très fiers d’eux, mais nous n’oublions pas les 97% autres sans qui rien ne serait possible. L’état d’esprit global a été porté là -dessus : « Tu n’es rien sans l’autre ». Mais bien évidemment que je suis fier de voir l’évolution d’un Léon Boulier, devenu joueur incontestable de l’équipe pro, celle de Grégoire Bazin ou de Matthys Gratien. De voir Mattéo Desjeux pointer le bout de son nez, même chose pour Youenn Floch, Louis-Marie Suta, Théo Bastardie, Alexandre Gouaux, Simon Bourgeois et tous les autres. Oui je suis très fier d’eux.
Quel est ton plus beau souvenir ?
J’en ai beaucoup en mémoire. Mais je n’oublierai jamais la remise des maillots la veille de notre finale Accession en 2021 à l’hôtel. Nous avions décidé de faire passer toute la dimension affective la veille du match, pour que les jeunes soient 100% focus sur la finale le jour J. Ça reste un moment très fort. Je pense aussi au match du maintien de la saison dernière, obtenu en battant le LOU avec le bonus offensif. En termes d’émotion, ce maintien était plus fort que le titre de champion de France. Avec Jo De Bruin, nous arrivions au bout du parcours de cette génération que nous avons accompagné depuis 4 ans. C’était l’apothéose.
Je garde aussi en tête un autre moment très fort, le retour en bus de notre quart de finale perdu face à Blagnac en 2019. J’avais dit, deux mois avant, à Yoann Besnard et Antoine Lerouge de trouver une équipe senior pour la saison prochaine parce que le niveau Espoir ne leur apportait plus rien.
Puis on perd ce quart de finale et je suis personnellement au fond du trou. Je me demande comment nous allons pouvoir repartir la saison prochaine. Dans le bus, j’appelle Yoann et Antoine en leur disant que ce que je leur ai dit il y a deux mois compte toujours, évidemment, mais que franchement pour le groupe j’ai besoin d’eux, que s’ils sont avec nous l’année prochaine ça ferait un bien fou à tout le monde. Je savais que des mecs comme Simon Bourgeois ou Léon Boulier avaient besoin d’être accompagnés. Ils m’ont dit oui en même pas deux minutes. J’étais très ému, c’est un super souvenir.
Quel sentiment prédomine au moment de quitter le club ?
Les sentiments sont mêlés. Je suis à la fois triste et heureux. Triste parce que c’était vraiment un beau moment, un magnifique chapitre. Ce sont six années d’engagement total avec des magnifiques rencontres et, ça, personne ne pourra me l’enlever. Et heureux parce que je n’ai pas le sentiment d’avoir triché, jamais. Quand je suis arrivé à Vannes ma quête était uniquement d’accompagner et de développer le projet de formation, et je suis en paix avec moi-même sur le travail accompli. Je serai toujours très content de revenir au club, de venir voir les matchs à la Rabine. C’est un club que j’aime profondément.
Ma volonté première n’était pas de quitter ce projet, mais dans une carrière, il y a parfois des opportunités qu’il faut savoir saisir.
En quoi cette expérience à la tête de l’équipe Espoir va t’aider dans la suite de ta carrière ?
Je pense avoir progressé dans ma capacité à bien percevoir les environnements et la gestion des charges d’entraînements, de la planification. Je crois aussi avoir progressé dans le management, individuellement et collectivement. Je ne suis plus du tout le même entre ce que je faisais il y a six ans et aujourd’hui. Je le dois au club et à tous les individus avec lesquels j’ai travaillé.
Justement, un petit mot sur ton successeur Johan De Bruin, qui a évolué à tes côtés durant ces dernières années ?
Il y a eu beaucoup de satisfactions collectives sur ces six années au club mais ma plus belle satisfaction individuelle c’est indéniablement Jo.
Je suis trop content que ce soit lui qui prenne la suite de la direction du centre de formation et le responsabilité des Espoirs. Jo est un mec fantastique, un énorme travailleur. À mon sens, il doit peut-être encore apprendre à trier quand il doit s’engager ou non mais il est comme quand il était joueur, il s’engage totalement ! Mais c’est top, je le dis et je le répète c’est un mec fantastique. Nous avons travaillé cinq ans ensemble, je connais l’homme qu’il est, je sais le travail qu’il fait, le travail qu’il a fait sur lui-même pour digérer le passage de joueur à entraîneur. Ce n’est pas évident. En être arrivé là en cinq ans, sincèrement ce n’est pas donné à tout le monde. Je suis très fier d’avoir passé du temps à ses côtés et de sentir que la main que je lui ai tendue pour traverser la route ait pu participer à sa construction. Je suis très heureux pour lui et pour le club.
Cyrille Berrod, président du RCV Association : « Nous avions recruté Florent avec Martin Michel, le directeur général de la SASP. Il était en provenance du Stade Français et souhaitait s’investir dans un nouveau projet. J’ai le sentiment d’un travail de fond qui a permis au pôle perfectionnement d’évoluer à tous les niveaux. Après celui des Balandrades en 2016, c’est aussi un deuxième titre de champion de France de la poule Accession, que nous avons épinglé, avec Florent au tableau du RCV en 2021. Que de chemin parcouru dans la structuration de la filière formation du club. Je remercie chaleureusement Florent pour son investissement constant et sa force de travail. Je lui souhaite un bon vent pour ce nouveau cap tout en lui témoignant ma reconnaissance pour les succès remportés au RCV. »
Jean-Noël Spitzer, manager sportif : « Nous remercions Florent pour le travail en profondeur effectué auprès de nos équipes jeunes et de notre centre de formation. La structure de celui-ci n’est clairement pas celle, à son arrivée, et il en a été un élément marquant. »